SEBAS VELASCO, XABIER ANUNZIBAI / ESP

La phrase peinte en lettres capitales sur la façade signifie, en basque : “Celui qui entre ici est chez lui.”

En choisissant de placer cette formule d’hospitalité dans l’espace public, les artistes Sebas Velasco et Xabier Anunzibai renversent son usage domestique traditionnel pour lui donner une portée politique et universelle. Ici, tout le monde est accueilli — quelle que soit son origine.

L’œuvre mêle plusieurs registres visuels. Le portrait réaliste d’une jeune femme, au visage éclairé de nuances rougeoyantes, côtoie des éléments graphiques inspirés des anciens posters découverts au Musée Basque et de l’histoire de Bayonne. Fenêtre, soleil stylisé, lignes de mer, typographies… Tout évoque à la fois le foyer et le territoire, l’intimité et l’identité collective.

Sebas Velasco peint la figure, tandis que Xabier Anunzibai compose les typographies. Ensemble, ils élaborent une fresque à la fois sensible et ancrée, une déclaration d’hospitalité adressée à toutes celles et ceux qui franchissent cette rue.

L’œuvre propose un “chez-soi ouvert”, à la croisée de l’histoire, de la langue et de la vie urbaine.

Sebas Velasco est né à Burgos, en Espagne, en 1988. Formé à la peinture classique et au graffiti, il est aujourd’hui l’un des peintres muraux les plus reconnus de sa génération. Son travail mêle réalisme pictural, portraits puissants et ambiances urbaines nocturnes, avec une attention particulière à la lumière et à l’architecture. Présent sur la scène internationale, il vit et travaille désormais à Donosti (Saint‑Sébastien), où il fédère un collectif d’artistes partageant une même approche poétique du réel.

Xabier Anunzibai est un artiste visuel basé à San Sebastián, dont le travail explore la typographie, la signalétique urbaine et les codes graphiques vernaculaires. Très attaché à la culture basque, il crée des compositions où les lettres deviennent formes et symboles. Sa collaboration avec Sebas Velasco, ici, prend tout son sens : ensemble, ils font dialoguer image et langage, mémoire et actualité.

Tous deux viennent du Pays basque sud (Hegoalde) et ont participé à cette œuvre comme une façon de tisser un pont entre les deux versants de la Bidassoa, entre leurs racines culturelles et le territoire de Bayonne.

Tout commence par une visite au Musée Basque et de l’histoire de Bayonne. En explorant les collections, Sebas Velasco et Xabier Anunzibai tombent sur une pancarte en bois gravée d’une phrase traditionnelle“Hemen sartzen dena bere etchean da” — “Celui qui entre ici est chez lui.”

Mais un détail retient leur attention : le mot « etchean » est orthographié à l’ancienne, avec un “ch” francisé. Cette variante n’est pas neutre — elle est le témoin d’une histoire complexe, celle d’une langue souvent reléguée ou transcrite selon des normes extérieures.

Un doute s’installe. Les deux artistes, tous deux originaires du Pays basque sud, ne veulent pas imposer un choix graphique sans comprendre. Ils mènent alors une petite enquête éclair : ils interrogent Raphaël Zulaika, alors directeur du musée, mais aussi des habitants du quartier. Ils cherchent à comprendre ce que cette forme orthographique dit de l’histoire locale, et de ses sensibilités.

Finalement, ils font le choix assumé d’écrire “Etxean” avec un “x”, en accord avec l’orthographe unifiée du basque moderne. Un geste réfléchi, qui affirme un respect du vivant, de la langue telle qu’elle est portée aujourd’hui par ses locuteurs.

En combinant enquête, écoute, mémoire et création, les artistes donnent vie à une œuvre qui dit une chose simple et essentielle : « Ici, celui qui entre est chez lui.«